Le cinéma belge documentaire brille depuis des décennies par la qualité et la diversité de sa production, quel qu’en soit le format. 2023 ne fait pas exception à la règle, nos auteurs et autrices s’étant distingués aussi bien en Belgique qu’à l’étranger. La sélection – nécessaire vu le dynamisme de la production annuelle, et le grand nombre de films qui s’y inscrivent – est effectuée par un comité composé de professionnel·les* ayant une expérience reconnue et un intérêt marqué pour le genre documentaire, ainsi qu’une connaissance spécifique de la production belge francophone, qui s’engagent à visionner tous les films inscrits. Ce comité se compose de profils variés et s’enrichit, d’année en année, de nouveaux regards. Son objectif est de proposer aux membres de l’Académie un aperçu de la production documentaire belge francophone de l’année écoulée, et de rassembler aussi bien des films de réalisateur·ices reconnu·es et expérimenté·es que des talents émergents. Explorant de nombreux territoires et univers aussi riches que singuliers, les 25 titres qui composent les sélections courts et longs métrages de cette édition offrent un panorama qui témoigne de la vitalité du secteur.

Côté longs métrages, on relèvera la grande présence, en ces temps troublés, de la philosophie, qui vient éclairer nos regards sur le monde. Ainsi Isabelle Stengers, fabriquer l’espoir au bord du gouffre s’invite dans la réflexion vive et précise de la penseuse belge. La Force diagonale convoque les mots de Hannah Arendt, tandis que Queerying Nature sollicite Vinciane Despret, pour parler monde animal et questions de genre. Le monde animal est également au cœur du film Une si longue marche, portrait poétique d’une espèce importée qui parcourt la Belgique, le crabe chinois.

Des réflexions philosophiques et poétiques auxquelles font écho Domus de Janas, porté par les voix de ses conteuses sardes. Voyage en Italie, encore, avec Une jeunesse italienne qui suit le parcours d’exil d’un jeune Burkinabé en quête d’une vie meilleure, entre attachement à sa terre d’origine et nécessité financière. Terra in Vista, de son côté, se penche sur le quotidien de quatre jeunes marginaux, saisonniers et saisonnières, qui vivent dans la précarité, mais aussi en résistance. À l’image aussi des héroïnes de Nomad Solitude, qui vivent seules dans leur voiture, sur les routes américaines. Les luttes sociales, leur histoire et leurs résonnances dans le contexte actuel sont aussi au centre du Balai libéré.

Des corps et des batailles, mais aussi Le souffle court se penchent sur le difficile travail des soignants et soignantes lors de la crise du COVID, l’un à travers une immersion dans un service de réanimation, l’autre à travers des entretiens sur le vif, en pleine crise.

La sélection de cette année est aussi en prise avec le monde, lointain ou pro

che. Adieu sauvage double la quête identitaire de son auteur d’une enquête sur une communauté d’Indiens de Colombie, qui semble ne pas avoir de mots pour parler d’amour. Hawar, les enfants bannis s’arrête sur le sort des femmes yazidies enlevées par Daech, quand Une des mille collines (Rwanda 1994-2002 - du génocide à la réconciliation) revient sur les stigmates du génocide rwandais. Enfin, retour en Belgique avec Se crasher pour exister, qui dresse l’inattendu portrait d’une championne de Speedway, sport automobile extrême, qui s’interroge sur la transmission de cette passion.

Si les longs métrages s’interrogent notamment sur les formes de l’art, les courts, eux, explorent l’art de la forme. Espace d’expression libéré des contraintes de diffusion, qui comprend notamment beaucoup de films d’école et d’ateliers de production, le court métrage documentaire interroge nos façons d’explorer le monde, et de le regarder, en s’emparant de différents outils narratifs : le journal à la première personne de A Diary of Sexual Solitude, les échanges épistolaires de On Mothers and Daughters in Times of Injustice, l’enquête incarnée de En attendant les robots, l’exploration de l’IA dans Algorithms of Beauty. Certains thèmes aussi émergent, notamment une attention accrue à la vieillesse, au centre de Rémanence Macula ou Les Heures Creuses. La sélection fait aussi la part belle aux sujets très actuels, comme le genre et la sexualité, dans Catharsis, la question coloniale, qui parcourt Les porteurs, les troubles mentaux, sujets de Jaime, ou encore la question environnementale, toile de fond de Cinzas e nuvens.

Films sélectionnés dans la catégorie Magritte du Meilleur court métrage documentaire

Algorithms of beauty de Miléna Trivier, produit par Bruits asbl
Catharsis de Aymeric Van Aerschot, produit par l'École de photographie et de techniques visuelles Agnès Varda
Cinzas e nuvens de Margaux Dauby, produit par Kokoro
En attendant les robots de Natan Castay, produit par Mediadiffusion et l’Atelier de production de l’IAD
Jaime de Francisco Javier Rodríguez, produit par Las Malas Juntas
Journal d'une solitude sexuelle de Nina Alexandraki, produit par l'INSAS et l’Atelier de Réalisation
Les heures creuses de Judith Longuet-Marx, produit par le CVB - Centre Vidéo de Bruxelles
Les porteurs de Sarah Vanagt, produit par Balthasar et Michigan Films
On mothers and daughters in times of injustice de Talia Jawitz, produit par Mediadiffusion et l’Atelier de production de l’IAD
Rémanence macula de Marcus Heine, produit par Les A.P.A.C.H.

Films sélectionnés dans la catégorie Magritte du Meilleur documentaire

Adieu sauvage de Sergio Guataquira Sarmiento, produit par Fox the Fox
Des corps et des batailles de Christophe Hermans, produit par Dérives
Domus de Janas de Myriam Raccah, produit par l'Atelier Graphoui
Hawar, nos enfants bannis de Pascale Bourgaux, produit par Iota Production
Isabelle Stengers, fabriquer l’espoir au bord du gouffre de Fabrizio Terranova, produit par Wrong Men
La force diagonale d’Annik Leroy et Julie Morel, produit par Auguste Orts et Cobra Films
Le balai libéré de Coline Grando, produit par le Centre Vidéo de Bruxelles asbl - CVB
Le souffle court de Stéphane Bergmans, Pauline Beugnies, Stéphanie Brumat, Benjamin Colaux, Jean-Baptiste Dumont, Coline Grando, Charlotte Grégoire, Olivier Magis, Anne Schiltz, Juan Sepulchre, Sébastien Wielemans, Christopher Yates, produit par Playtime Films et Eklektik Productions
Nomad solitude de Sébastien Wielemans, produit par Eklektik Productions
Queerying nature d’Aline Magrez, produit par Les Films de la Passerelle
Se crasher pour exister de Julien Henry, produit par Toast Production
Terra in vista de Mattia Petullà et Giulia Angrisani, produit par le CVB - Centre Vidéo de Bruxelles
Une des mille collines - Rwanda 1994-2002 - du génocide à la réconciliation de Bernard Bellefroid, produit par La Compagnie Cinématographique
Une jeunesse italienne de Mathieu Volpe, produit par Replica Films
Une si longue marche de Dominique Loreau, produit par Cobra Films

* Liste des membres du comité 2024
- Abel Carlier
- Dan Cukier
- Pauline David
- Kathleen De Béthune
- Alizée Loumaye et Hanoulia Salamé
- Elli Mastorou
- Axelle Pisuto
- Isabelle Rey
- Zlatina Rousseva
- Livia Tinca
- Laure Portier (lauréate du Magritte du Meilleur documentaire 2023 pour Soy Libre)
- Jean-Benoît Ugeux (lauréat du Magritte du Meilleur court métrage documentaire 2023 pour Arbres)